Un passage pour de nombreux aidants, le deuil blanc
Quand le proche aidé est encore présent physiquement mais qu’il perd la mémoire et change de personnalité, au point de ne plus ressembler à la personne qu’il était auparavant, l’aidant est confronté à ce qu’on appelle le deuil blanc. Ces situations se produisent notamment pour les proches de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées, et il est important de les reconnaître pour les accepter, les vivre le moins douloureusement possible.
Le deuil blanc se compose de différentes typologies de pertes, liées à l’évolution de la maladie du proche aidé. L’aidant doit faire le deuil de la relation qui existait avant la maladie en découvrant petit à petit que son proche ne reconnaît plus l’entourage, qu’il fait face à une désorientation temporo-spatiale, qu’il n’arrive plus à communiquer (incohérence des mots, disparition des gestes d’amour, de la connivence, des discussions intellectuelles)… Des changements majeurs bousculent alors la relation de départ entre l’aidant et son proche. Le quotidien en devient difficile, voire impossible, d’autant plus qu’à l’inverse d’un deuil véritable , la personne est encore là. La souffrance de la perte n’est donc pas reconnue collectivement ; l’aidant peut manquer de soutien ou de marques d’affection de la part de sa famille, de ses amis, qui n’ont pas conscience de la situation.
Identifier cette étape
Entre 16 et 19 ans, Marie a été jeune aidante de sa grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Accompagnée par ma mère, j’allais très régulièrement voir ma grand-mère à l’hôpital. Elle qui était une vraie ‘mama italienne’, un peu autoritaire, aimant avoir toute sa tribu autour d’elle, était redevenue une enfant. Pour moi, c’était une personne étrangère. J’étais jeune et, dans sa mémoire défaillante, je n’existais pas. C’était très déroutant car il y avait bien une attache physique mais, au niveau émotionnel et relationnel, il n’y avait plus de lien possible. On ne se reconnaissait plus. A ce moment-là, on vit donc un deuil blanc, car notre proche n’est plus tout à fait là, disparaît de jour en jour. Sur le moment, comme je ne voulais pas avoir de regret plus tard, j’ai continué à rendre visite à ma grand-mère. Avec le recul, je me dis que j’aurais pu me protéger un peu plus… Cela dit, quand elle est décédée, bien sûr que c’était difficile mais il y a eu aussi un soulagement, une libération. En fait, comme elle était déjà presque partie, sa mort a été moins brutale. Ce premier deuil m’avait fait prendre conscience que je ne retrouverais jamais le lien que j’avais avec elle quand elle avait toute sa tête.
Identifier cette étape du deuil blanc, en parler autour de soi, est indispensable. Il faut s’accorder du temps pour comprendre, pour vivre ce deuil, pour s’adapter. Vivre aux côtés d’une personne qui est là sans être celle que l’on connaissait entraîne de la colère, de la frustration, de l’impuissance, un sentiment d’injustice… pour l’aidant comme pour l’aidé. Alors oui, il est nécessaire de prendre conscience des changements qui s’opèrent pour essayer de bâtir une nouvelle relation. Pour envisager une deuxième vie, différente de la précédente, aux côtés du proche aidé.